J’ai passé l’été 2019 à Taipei pour apprendre le mandarin à la National Taiwan Normal University (NTNU 師大). Mon été à Taïwan m’a ouvert les yeux sur la culture taïwanaise et son histoire. Sans surprise, j’ai été fasciné par l’architecture, la nourriture, l’efficacité au travail et la gentillesse des Taïwanais et Taïwanaises.
Ce fut l’occasion d’une immersion complète avec cette culture insulaire qui, m’a t-on dit, diffère considérablement de celle de la Chine continentale. Il existe bien entendu une explication historique à ce phénomène. Quitte à ruiner mes chances d’un séjour éventuel en Chine, Taïwan n’a pas toujours fait partie du monde chinois. Anciennement appelé Formose, Taïwan est initialement habité par des populations austronésiennes. Les Espagnols et les Hollandais lutteront ensuite au cours du XVIIe siècle pour le contrôle de l’île. Enfin, Taïwan devient complètement chinoise durant le règne des Qing en 1683 après la défaite du loyaliste Ming Koxinga [1]. La domination chinoise perdurera jusqu’en 1895, moment où l’ile se retrouve sous le giron japonais suite au traité de Shimonoseki, qui met fin à la première guerre sino-japonaise [2]. Pendant 50 ans, Taïwan subit l’influence de la culture japonaise et dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. Selon certains amis que j’ai rencontrés là-bas, les Taïwanais et Taïwanaises seraient à la jonction entre la culture chinoise et la politesse japonaise. Il existe même un dicton à Taïwan, qui dit que lorsque qu’un individu est impoli, il est probablement chinois.
Pour accentuer encore cette plus cette distinction, l’île fut le lieu de refuge du gouvernement nationaliste (Guomindang-國民黨) en exil après sa défaite contre les communistes (Gongchandang-共產黨) en 1949. Pendant une trentaine d’années, Taïwan fut une dictature militaire sous le général Chang kai shek (蔣介石) qui favorisa le développement économique de l’île [3]. C’est la raison pour laquelle la République de Taïwan revendique toujours la souveraineté sur le reste de la Chine, se considérant comme le gouvernement légitime.
L’histoire de Taïwan diffère donc considérablement de celle de la Chine continentale, un peu comme deux trames narratives dont les chemins se sont croisés avant de se séparer. Taïwan devient presque une représentation de ce que la Chine aurait pu être sans le gouvernement communiste, sans les traumatismes du Grand Bond en avant et de la révolution culturelle. Tout en étant distincte, Taïwan assume pourtant un héritage chinois, en utilisant par exemple l’écriture traditionnel.
Mais les personnes avec lesquelles j’ai pu discuter, en particulier des jeunes, ont tous insisté sur le fait qu’ils étaient taïwanais, et que la Chine constituait une entité entièrement différente. De plus, après avoir assisté à certaines démonstrations anti-chinoises dans les rues de Taipei, j’ai pu constater que l’idée d’une indépendance politique envers la Chine semble plus importante que celle de revendiquer l’union entre les deux entités politiques.
Les heurts et les manifestations de Hong Kong trouvent un écho dans la jeunesse taïwanaise. Il s’agit d’une situation fort embarrassante pour les autorités taïwanaises, dont chaque élection semble se jouer selon l’axe pro-Pékin ou pro-indépendance. L’image d’une Chine unie que les dirigeants mettent tant d’effort à maintenir s’effrite facilement lorsque l’on s’intéresse minimalement à son histoire.
[1] SPENCE, Jonathan D. The Search for Modern China. New York, W. W. Norton, 1991, p. 54-55.
[2] Ibid., p. 223.
[3] GERNET, Jacques. Le monde chinois. Paris, Armand Colin, 1972, p.555-556.
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